I. Les documents d’information pré-contractuelle
La jurisprudence récente a rappelé que si l’étude de marché local n’incombe pas au franchiseur, tous les documents d’information précontractuelle transmis au franchisé doivent être sincères (1). En méconnaissance de cette obligation, le contrat de franchise ne peut être annulé que si le consentement du franchisé a bien été vicié (2).
1. L’information précontractuelle des franchisés
- L’étude de marché local incombe au franchisé et s’il n’existe pas de preuve suffisante sur le fait que le franchiseur ait établi, avant la conclusion du contrat de franchise, un document prévisionnel basé sur une réalisation d’un chiffre d’affaires fantaisiste de nature à vicier le consentement du franchisé, sa responsabilité ne peut être engagée (Cass. Com., 27 avril 2011, n°1015436).
- La Cour de cassation a indiqué que la Loi Doubin ne met pas à la charge du franchiseur une obligation de réaliser une étude sur le marché local ou un état des comptes prévisionnels. Cependant, dès lors que de tels documents ont été communiqués au franchisé, la Cour a précisé que le franchiseur avait une obligation de présentation sincère (Cass. Com. 19 janvier 2010, n° 09-10980).
- Aussi, la Cour d’appel de Paris a confirmé qu’en raison d’une information partielle sur l’historique du réseau et d’un budget prévisionnel hautement fantaisiste (irréaliste), le contrat de franchise pouvait être annulé pour manquement à l’obligation de fournir des documents d’information précontractuelle sincères telle que prévue à l’article L. 330-3 du Code de commerce. Pour la Cour, cette omission et cette rétention d’information prouvées en l’espèce sont constitutives d’un dol au détriment du franchisé dont le consentement est vicié (CA Paris, 19 janvier 2011, SARL Lina’s c/ SAS L&Sud ; voir également CA Paris, 17 mars 2010, SAS Mipa France c/ Desmazures).
2. La preuve du vice de consentement
- Concernant des contrats de franchise relatifs à la commercialisation d’un concept de maison « en prêt à finir », la Cour de cassation a d’abord retenu que « faute d’attirer spécialement l’attention sur la charge importante qu’était l’omission de la mention relative aux coûts de la maison témoin qui devait être supporté par le franchisé, un élément essentiel dont les franchisés ne peuvent se dispenser durablement, tous les prévisionnels fournis sont nécessairement faussés, et trompeurs sur les capacités financières à prévoir en début d’exploitation ». La Cour a cependant annulé la décision de la Cour d’appel en relevant qu’il n’avait pas été précisé en quoi le manquement du franchiseur avait déterminé le consentement des franchisés (Cass. Com., 15 mars 2011, n° 10-11871).
- De même, la simple constatation du manquement d’information ne suffit pas : il est nécessaire de démontrer en quoi le consentement a été vicié. La Cour d’appel de Lyon, tout en constatant que le document précontractuel comportait des informations trop générales, a retenu que le franchisé ne démontrait pas en quoi l’imprécision, ou le caractère incomplet des renseignements qui lui ont été fournis ont pu l’induire en erreur, ni quelles informations particulières ont fait défaut, et qui, si elles lui avaient communiquées, l’auraient amenée à ne pas s’engager (CA Lyon, 3ème chambre, 4 novembre 2010, n° 09/05848)
II. Savoir faire
Le contrat de franchise peut être déclaré nul en l’absence de savoir faire mais les juges sont exigeants pour prouver la nullité.
- Dans le cadre d’un contentieux relatif à un contrat de franchise dans le domaine du diagnostic immobilier, la Cour d’appel de Douai a rappelé la définition du savoir faire qui se caractérise comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ».
La Cour d’appel de Douai a par ailleurs rappelé les notions :
- Parmi les éléments du savoir faire figurent nom, logos, symboles, méthodes de travail, services originaux et spécifiques, efforts de promotion, agencements, adaptation constante aux besoins du franchisé donc continuité du service.
- Le secret correspond à une confidentialité relative, notamment en cette matière de diagnostic immobilier dont les composants, officiels, manquent forcément de confidentialité, celle ci résidant davantage dans les assemblages proposés par le franchiseur.
- L’identification doit s’entendre d’une formalisation suffisamment complète.
- La substantialité doit s’entendre comme de l’utilité présentée par le savoir faire à l’égard de l’activité du franchisé en permettant l’amélioration de l’accès du franchisé à un certain nombre de services, l’amélioration de ses résultats, de sa pénétration sur le marché.
- L’originalité, limitée au vu de la spécificité du métier en question dans le présent dossier, puisqu’il s’agit de mettre des pratiques non originales en adéquation avec des textes qui ne le sont pas davantage, ne réside pas forcément dans la transmission d’éléments inventifs; elle peut être représentée par la mise à disposition d’une gamme de produits sélectionnés, que le franchisé pourrait mettre beaucoup de temps à rassembler, et de conseils ciblés.
La Cour de Douai a conclu que l’existence d’un savoir-faire était rapportée par le franchiseur qui avait justifié de la satisfaction de certains de ses franchisés et du développement de son réseau (CA Douai, chambre 02, section 01, 16 décembre 2010, n° 09/03535).
- En matière immobilière, la Cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’un savoir faire du franchiseur consistant « en l’organisation du premier réseau national de promoteurs immobiliers conférant des moyens nationaux à des professionnels régionaux reconnus pour leur expertise et leur connaissance du marché local. La transmission dudit savoir-faire s’effectue par le manuel de politiques et procédures adressé à chaque franchise et explicitant les procédures et la méthodologie NORMAN. P., par la mise à disposition de l’intranet du réseau ainsi que par l’organisation de réunions d’objectifs, outre divers conférences et séminaires » (CA Paris, pôle 05, chambre 04, 22 septembre 2010, n° 09/14659).
III. Caractère intuitu personae du contrat de franchise
- En cas de transfert d’activité du franchiseur vers une autre société, la Cour de cassation a considéré que la nouvelle structure gérant l’activité n’a pas bénéficié du transfère de plein droit au titre des apports partiels d’actifs des contrats de franchise en raison de leur caractère intuitu personae. (Cass. Com., 2 octobre 2010, n° 09-70116).
- La Cour de cassation avait déjà affirmé en 2009 que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions (Cass. Com., 24 novembre 2009, n° 08-16428). La Cour de cassation avait ainsi statué alors même que le contrat de franchise indiquait qu’il était conclu « par le franchisé en considération de la notoriété et de l’organisation du groupe Comptoirs modernes et du franchiseur, indépendamment des personnes qui les contrôlent ou les dirigent ».
IV. L’assistance du franchisé
La Cour de cassation a rappelé que le franchiseur a le devoir de proposer une solution alternative à son franchisé, et de tout mettre en œuvre pour que la difficulté puisse être surmontée, et ce notamment dans le cas où l’ouverture du magasin est mis à mal en raison d’un arrêté municipal autorisant l’exploitation d’une seule des deux activités du contrat de franchise (Cass. Civ. 3ème, 28 septembre 2010, n° 08-20387).
V. Les clauses de non réaffiliation
- La Cour de cassation a précisé que « la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau » (Cass. com., 28 septembre 2010, n° de pourvoi : 09-13888).
- La Cour de cassation a néanmoins eu à plusieurs reprises l’occasion de soumettre les clauses de non-réaffiliation aux mêmes conditions de validité que les clauses de non-concurrence post-contractuelles. Ainsi la Cour de cassation a exigé de vérifier si la clause de non-réaffiliation était ou non proportionnelle à la sauvegarde des intérêts du franchiseur et laissait ou non la possibilité pour le franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau (Cass. com. 17 janvier 2006, n° 03-12382 ; Cass. civ. 2ème 10 janvier 2008, n° 07-13558).
- L’arrêt rendu le 24 novembre 2009 par la Cour de cassation avait déjà réaffirmé sans ambiguïté la validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles stipulées dans les contrats de franchise sous réserve de la limitation dans le temps et dans l’espace de la clause et d’une application proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat (Cass. com., 24 nov. 2009, n° 08-17.650).
VI. Requalification du contrat de franchise en contrat de travail
Le principe de l’indépendance juridique et économique du franchisé est parfois mis à mal au regard des conditions concrètes de l’activité du franchisé (1). La jurisprudence a parfois requalifié des contrats de franchise en contrats de travail (2).
1. Le risque de requalification
Le franchisé est indépendant à la fois (i) juridiquement puisque il est totalement libre de contracter ou non et (ii) économiquement puisqu’il engage ses propres deniers.
Néanmoins, malgré cette indépendance économique et juridique, il existe une interdépendance économique entre le franchiseur et le franchisé entraînant un risque de requalification du contrat de franchise :
- sur le fondement de l’article L. 8221-6 II du code du travail disposant que: « II.- L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »
- ou lorsque sont réunies les quatre conditions cumulatives de l’article L. 7321-2 du Code du travail permettant de bénéficier des dispositions du code du travail relatif au gérant de succursale. Ces conditions sont :
- l’exercice de l’activité dans les locaux ou dépendances de l’entreprise ;
- la vente des marchandises de toute nature qui sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ou le fait de recueillir des commandes pour le compte d’une seule entreprise dans un local fourni ou agrée par cette entreprise aux conditions et prix imposés par l’entreprise.
2. La jurisprudence
Ainsi, la Cour de cassation a requalifié le contrat de franchise conclu avec la société Yves Rocher et l’exploitant d’une boutique en contrat de travail de gérant de succursale (Cass. Soc., 9 mars 2011, n° 09-42901). La Cour de cassation a retenu que :
- Mme X exploitait un centre de beauté sous l’enseigne « Yves Rocher » (enseigne) ;
- son activité consistait essentiellement à vendre des produits de beauté (vente principale des produits) ;
- la société Yves Rocher lui fournissait exclusivement (obligation de fourniture exclusive) ;
- les conditions d’exercice de cette activité étaient définies par le fournisseur et sa contractante ne pouvait disposer de la liberté de fixer le prix de vente des marchandises déposées (pratique de prix imposés).
- Déjà en 2009, la Cour de cassation avait constaté que dès lors que les conditions énoncées à l’article L 781-1 2° du code du travail, devenu L 7321-2, étaient réunies, quelles que soienVIIt les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination (Cass. Soc., 16 septembre 2009, n° 07-45289).
- En revanche, la Cour de cassation a considéré que le respect des normes du franchiseur, telles que l’enseigne, les méthodes de commercialisation ou l’assistance technique, n’est que l’application pure et simple du contrat de franchise, sans que l’article L 7321-2 du Code du travail ne soit applicable (Cass. Com. 19 mai 2010, 09-42614).
VII. Sur les liens de dépendance entre les contrats
- Contrat de bail
La Cour de cassation a confirmé l’indépendance du contrat de franchise et du contrat de bail et a relevé que malgré les liens d’interdépendance entre les deux contrats, « il n’en résultait pas pour autant que la décision de la société Yves Rocher de mettre fin au contrat de franchise ait constitué une circonstance assimilable à un congé ou à une résiliation du bail du fait du bailleur et qu’elle ne caractérisait pas non plus de la part de celui-ci un manquement à ses obligations, non plus qu’une faute propre à justifier le prononcé de la résiliation du bail à ses torts » (Cass. Civ. 3ème, 30 juin 2010, n° 09-13335).
- Contrat de prêt
La Cour de cassation a retenu que le contrat de franchise et le contrat de prêt n’étaient pas des contrats indivisibles (Cass. Com., 15 février 2011, n° 09-16526, 10-30194). En effet, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel en relevant que « la partie qui invoque l’indissociabilité de deux contrats doit démontrer l’existence d’une indivisibilité entre les conventions, et que le fait que celles-ci participent d’une même opération économique ne suffit pas à lui seul à caractériser l’indivisibilité des contrats ».
- Contrat d’approvisionnement
En revanche, la Cour d’appel de Caen a précisé que dès lors qu’il n’est pas reproché au franchisé d’avoir régulièrement mis fin à ses relations contractuelles résultant du contrat d’approvisionnement, le terme de ce contrat emporte nécessairement la caducité du contrat de franchise à la date de l’arrivée du terme du premier contrat. La Cour d’appel a ainsi débouté le franchiseur de sa demande d’indemnité pour rupture abusive du contrat de franchise (CA de Caen, 1re ch. Civ. et com., 12 mai 2010, n° 08/04076).
VIII. Pourparlers et rupture du contrat de franchise
- L’absence de rupture fautive des pourparlers ne peut ouvrir droit à réparation des préjudices allégués par le candidat à la franchise notamment le préjudice résultat du suivi d’un stage de quatre mois en vu d’être former à l’activité sous franchise (CA Versailles, Chambre 12, section 1, 25 Novembre 2010, n° 09/06245, Société NARASCO FOOD, c/ Société KFC France)
- La Cour de cassation a rappelé que l’intégralité de la relation commerciale établie entre les parties devait être pris en compte pour apprécier la durée du préavis dans le cadre d’une rupture brutale des relations commerciales au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Ainsi la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel qui avait retenu que le contrat de franchise conclu pour une durée de cinq ans non renouvelé avait pris fin alors que les relations entre les parties avait continuées en dehors des relations contractuelles (Cass. Com. 24 novembre 2009, n°07-19248).
- Une clause du contrat de franchise prévoyant notamment qu’au cas où le franchisé n’obtiendrait pas les diplômes et certificats nécessaires à l’exercice de l’activité, le franchiseur remboursera au franchisé l’intégralité du droit d’entrée mais conservera le coût de la formation payante a été validée. Aussi le franchisé a été débouté de ses demandes de remboursement des frais de formation et frais de séjour engagé à cette occasion (CA de Douai chambre 02, section 01, 16 décembre 2010, n° 09/03535).
IX. Franchise et droit de la concurrence
- L’Autorité de la concurrence a par ailleurs confirmé que la clause d’exclusivité imposant aux franchisés l’utilisation d’un produit qui est nécessaire au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau de franchise n’est pas anticoncurrentielle (décision 10-D-12 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Hypromat France SAS dans le secteur du lavage automobile par haute pression).
- L’Autorité de la concurrence a également statué sur une plainte pour abus de dépendance économique de Carrefour à l’égard de ses franchisés. L’Autorité a considéré qu’en ce qui concerne les candidats à la franchise Carrefour la situation de dépendance économique n’était pas caractérisée, Carrefour n’étant pas un acteur incontournable.
Pour ce qui concerne les franchisés intégrés dans le réseau Carrefour, l’Autorité rappelle qu’ « une situation de dépendance économique de franchisés à l’égard d’un franchiseur pourrait ainsi résulter du jeu cumulé d’un ensemble de clauses contractuelles imposéespar ce dernier, dont la finalité serait de limiter la possibilité des franchisés de quitter le réseau et de restreindre leur liberté contractuelle dans des proportions dépassant les objectifs inhérents à la franchise, sans que la circonstance que ces clauses aient été volontairement souscrites puisse leur être opposée (voir, arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 janvier 2005) ».
L’Autorité retient cependant que la situation de dépendance économique n’est pas caractérisée « en l’absence d’éléments sur la situation individuelle de chaque franchisé à l’égard d’une filiale du groupe Carrefour et en l’absence d’homogénéité de la position des franchisés au sein du réseau de Carrefour [les franchisés relevant de sept régimes contractuels différents] ».