« Si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, préparer la guerre ») disaient les Anciens.
Ainsi et en franchise sans doute plus qu’ailleurs, il est important de mettre en place, dès le départ et en amont, les moyens préventifs afin de réduire les risques contentieux.
Le développement en réseau porte en effet lui-même les germes du procès : plus le réseau se développe et vite, plus il y a de risque que se créent des envies et des jalousies, d’une part, et que, d’autre part, se glissent dans le réseau des franchisés sans talent et sans énergie.
Un réseau en expansion est ainsi toujours exposé à deux risques majeurs :
- le risque de « l’esprit fort » avec à la clé le risque d’une déstabilisation du réseau (I) ;
- le risque de « l’erreur de casting » avec à la clé le risque d’une demande d’indemnisation (II)
L' »esprit fort », c’est celui qui croit pouvoir être franchiseur à la place du franchiseur : c’est cet « esprit fort » qui sera le ferment de la dissidence et qui pourra tente de railler à sa contestation d’autres franchisés du réseau.
Quant à l »erreur de casting », c’est le franchisé défaillant qui va tente d’imputer son échec à son franchiseur.
Pour l’un et l’autre de ces risques, il existe des moyens de prévention et de traitement.
I – Les moyens pour contrer la dissidence
Sans jouer ici les « oiseaux de malheur », tout le monde conviendra qu’aucun réseau n’est à l’abri d’une tentative de déstabilisation.
Il est dès lors légitime que les franchiseurs aient à l’esprit les moyens d’éviter au maximum la naissance d’une dissidence (A) et, si la dissidence est née, les moyens de la juguler au mieux (B).
A / Pour éviter le procès
1. Sur le savoir-faire
La remise en cause du savoir-faire va souvent être un angle d’attaque pour les dissidents. Aussi sera-t-il utile pour le franchiseur de ne pas se lancer trop vite et de pouvoir justifier, le moment venu, avoir validé son concept sur un ou plusieurs pilotes. Sans cesse, par ailleurs, le franchiseur devra travailler sur son savoir-faire et l’actualiser, la jurisprudence exigeant que le savoir-faire soit évolutif et constamment recyclé.
Par ailleurs encore et dans la rédaction du contrat, il sera utile de mentionner les éléments du savoir-faire transmis.
Cette clause permettra en effet, le moment venu de rappeler aux Juges qu’il n’y a pas de « génération spontanée » de franchisés et que celui qui vient contester son franchiseur lui doit en réalité souvent beaucoup..
2. Sur la communication
De même et toujours dans la perspective d’éviter la constitution d’un front contre le franchiseur, il n’est pas inutile de créer et d’entretenir un « esprit de famille », notamment au travers des conventions annuelles ou des journaux internes.
La communication est primordiale dans un réseau : laisser s’exprimer les franchisés, c’est dégager la voix de la majorité et brider d’autant les velléités de dissidence ou de sécession.
Ainsi, « l’effet-réseau », c’est aussi l’effet de groupe.
De même et pour éviter la naissance de contestation stériles ou contre-productives, il est bon que les franchiseurs aient mis sur pied des commissions consultatives, lieux d’expression et « laboratoire d’idées ».
B / Pour juguler la dissidence
Lorsque survient une dissidence, le franchiseur ne doit évidemment pas reculer devant le contentieux.
Le contentieux est en effet alors la seule arme pour briser la dissidence. Il se peut aussi que les dissidents prennent l’initiative d’une procédure pour tenter de reprendre leur liberté au détriment du franchiseur.
Dans l’un et dans l’autre cas, il y aura procès et, dans cette hypothèse, il est bon, tout à la fois, d’avoir prévu de concentrer ses forces sur une juridiction et d’entretenir dans le même temps la cohésion et l’interactivité dans le réseau.
1. Unicité de juridiction
Rien n’est pire que la dispersion des forces et le risque d’appréciations divergentes entre les juridictions. Sauf à préférer le recours à l’arbitrage, on ne saurait trop conseiller d’insérer, dans les contrats de franchise, une clause attributive de juridiction au profit d’une seul et même Tribunal (et pourquoi pas, le Tribunal de Commerce de Paris, bon connaisseur du système de la franchise et des droits et devoirs respectifs des franchiseurs et des franchisés).
Une telle clause, parfaitement légale entre commerçants, aura le mérite d’éviter l’éparpillement juridictionnel et assurera une unicité de jurisprudence dans le réseau.
2. Cohésion dans le réseau
En cas de tentative de sécession, le franchiseur doit pouvoir compter sur ses troupes pour l’épauler dans le contentieux. Ainsi, le franchiseur attaqué par des dissidents serait mal avisé de tenir à l’écart du litige les franchisés fidèles. Dès lors en effet qu’un franchiseur a confiance dans ses troupes, c’est avec elles qu’il doit aller à la bataille !
Le franchiseur pourra ainsi recueillir des témoignages des franchisés fidèles attestant de la réalité et de la consistance du savoir-faire, de même qu’ils dénonceront les agissement déloyaux des dissidents.
Il ne faut pas hésiter à faire valoir aux franchisés fidèles qu’une tentative de sécession peut gravement les léser, tout autant que le franchiseur, puisque c’est leurs fond de commerce qui est en jeu.
II – Les moyens pour contrer l’échec d’une franchise
Malgré toutes les précautions, un mauvais candidat a pu être retenu et le problème – une fois l’échec survenu – est d’éviter que les conséquences en soient reportées sur le franchiseur.
A cet égard, deux types d’arguments sont essentiellement invoqués par les franchisés défaillants : le défaut d’information pré-contractuelle valable (A) et le défaut d’assistance (B).
A / Sur le défaut d’information pré-contractuelle
S’agissant de l’information pré-contractuelle, la discussion va le plus souvent porter sur l’erreur dans le prévisionnel et l’erreur dans l’état du marché.
1. Sur le prévisionnel
Bien qu’il n’existe à cet égard aucune obligation ne légale, ni réglementaire, les candidats franchisés – dans la pratique – sollicitent souvent de leur franchiseur un compte d’exploitation prévisionnel.
Il importe alors d’associer le candidats franchise à l’élaboration de ce prévisionnel et de souligner par ailleurs que les comptes prévisionnels ne sauraient valoir obligation de résultat (les contrats de franchises indiquent assez souvent que les comptes d’exploitation prévisionnels sont fournis à titre indicatif et n’engagent pas le franchiseur).
Cela étant et en cas de contestation, il faut pouvoir prouver que le compte d’exploitation prévisionnel a été établi avec sérieux.
A cet égard et les Juges y sont sensibles, une bonne approche peut consister dans un raisonnement par comparaisons et moyennes avec les chiffres d’affaires et les ratios de charges du réseau.
2. Sur l’étude de marché
Quant à l’état local du marché, pourquoi aller au-delà de ce qui est exigé du franchiseur, alors au surplus que le jurisprudence précise elle-même que non seulement le franchiseur n’est pas tenu de fournir une étude du marché local mais « qu’il appartient en revanche à toute personne se proposant d’exploiter un commerce en tant qu’indépendant, ce qui est le cas de tout franchisé qui demeure responsable de sa gestion, de faire lui-même un analyse d’implantation précisé lui permettant d’apprécier le potentiel du fonds de commerce qu’il envisage de créer ».
B / Sur le défaut d’assistance
Lorsqu’ils portent leurs demandes en justice, les franchisés ont une tendance générales à l’amnésie et ils allèguent souvent n’avoir reçu aucune assistance.
Il est bon, dès lors, que les franchiseurs se ménagent les preuves de l’assistance qu’ils auront fournie, tant dans la phase de démarrage que dans le cadre de l’exploitation, au quotidien.
1. Sur l’assistance au démarrage
La formation pourra d’abord utilement être sanctionnée par un diplôme ou un « passeport » et il est judicieux de recueillir du franchisé, à l’issue de sa formation la trace qu’il en était satisfait.
De même, l’assistance apportée dans le cadre de l’aménagement du point de vente ou à l’occasion des premières journées d’ouverture devra être matérialisée au travers de comptes-rendus.
2. Sur l’assistance dans le cadre de l’exploitation
Par la suite et pour se prémunir, il est impératif de : pouvoir justifier des efforts publicitaires effectuées, faire des visites bilans et en justifier, là encore, au travers de comptes-rendus, envoyer ces courriers pour signaler les difficultés et, pour les plus importants de ces courriers, les envoyer en recommandé avec accusé de réception, sans s’interdire, par ailleurs, de faire preuve de souplesse en accordant, par exemple, des détails de paiement ou des remises à niveau.
C’est à ce prix que la paix sera assurée !