Le contrat de franchise, nous dit la Cour de cassation, peut permettre au franchisé de bénéficier « d »une formation sur le tas ». À l »occasion de l »arrêt de la chambre commerciale du 3 mai 2012, le juge de la cassation a eu l »occasion d »approfondir la notion de savoir-faire et son caractère substantiel, résumé par cette formulation originale sous sa plume.

En l »espèce, un contrat de franchise avait été conclu entre une société de boulangerie-pâtisserie et un franchisé néophyte dans ce domaine. Les résultats ne sont finalement pas là et le franchisé cherche alors à faire annuler le contrat.

Il assigne ainsi le franchiseur en nullité du contrat au motif que le savoir-faire transmis ne présentait aucune originalité par rapport aux techniques classiques de confection de ses produits et qu »il n »apportait aucun avantage en termes de concurrence. Pour accéder à sa demande et réparer son préjudice, la cour d »appel de Paris a estimé en seconde instance que le procédé proposé par le contrat de franchise n »apportait rien de nouveau à l »activité classique d »une boulangerie.

La Cour de cassation casse et annule l »arrêt en proposant une analyse différente basée sur une appréciation du caractère substantiel du savoir-faire dans son ensemble.

Le juge a dû déterminer ici quels étaient les éléments à prendre en compte pour apprécier le caractère du savoir-faire transmis par le contrat de franchise litigieux.

Pour y parvenir, le juge se livre à une analyse en plusieurs temps des spécificités du contrat en cause. Plusieurs jurisprudences existent déjà quant aux causes de nullité des contrats de franchise. Récemment, la chambre commerciale avait déjà statué sur l »aspect économique du contrat de franchise par un arrêt du 4 octobre 2011, qui trouve écho ici. En revanche, l »exploitation abusive par le franchiseur n »est pas recherchée, malgré une jurisprudence ancienne et confirmée, issue de l »arrêt de la chambre commerciale du 16 décembre 1997.

Le contrat de franchise est spécifiquement limité par les cas de nullités qui s »y attachent (I) comme avec l »exemple de l »appréciation de la notion de savoir-faire de l »espèce (II).

I – Les limites au contrat de franchise par les cas de nullité

Les causes de nullité du contrat de franchise sont multiples et servent aussi bien le franchisé que le franchiseur. En effet, il s »agit là d »un mécanisme de protection de principe du franchisé (A) qui réserve quelques moyens de recours au franchiseur (B).

A – La protection de principe du franchisé

La franchise est un contrat par lequel une personne, le franchiseur, transfère à une autre, le franchisé, des droits incorporels comme ici le savoir-faire, ou encore la marque  ou l »image. Le franchiseur perçoit en contrepartie des droits pour la durée du contrat. La définition en elle-même impose déjà quelques obligations, comme la transmission de la marque et de l »image, inhérente à tout contrat de franchise. En l »absence d »une telle transmission, le franchisé pourra rechercher la nullité du contrat de franchise.

A l »inverse, le contrat de franchise suppose des obligations qui reposent sur le franchisé, comme son devoir d »exploitation conforme. Le franchisé tire alors de cette exploitation des bénéfices et supporte une part des risques.

Le risque cependant semble ne pas pouvoir être trop important. Le contrat de franchise vise, en résumé, à reproduire un succès commercial. En vertu de cet objectif, la chambre commerciale de la Cour de cassation a consacré une cause de nullité pour erreur sur la rentabilité, par un arrêt du 4 octobre 2011. Le franchisé n »a pas à supporter seul un échec commercial dans le cadre du contrat de franchise.

En ce sens, une exploitation abusive de la part du franchiseur, notamment en profitant de la dépendance économique de son franchisé, est une cause de nullité depuis l »arrêt précité du 16 décembre 1997.

B – Les moyens de protection du franchiseur

Il faut constater que le juge est soucieux de ne pas faire reposer le risque sur le seul franchiseur. Le franchisé recherchait la responsabilité du franchiseur essentiellement du fait du manque de réussite de son commerce. Néanmoins, l »erreur sur la rentabilité n »a pas été retenue puisque le contrat de franchise, nous dit le juge, participait effectivement à la réalisation des bénéfices.

La transmission du savoir-faire, autre élément inhérent au contrat de franchise, est également constatée alors même que celui-ci ne revêt pas de caractère original. Là réside une des protections principales du franchiseur.

Un second moyen est à disposition du franchiseur par le mécanisme des clauses de nullité. Il dispose de plusieurs clauses, un genre de boîte à outils, validée par la jurisprudence qui permet de renforcer le contrat de franchise. En matière commerciale, une des premières clauses est bien entendu celle de non-concurrence . Il s »agit d »une clause fréquente dans les contrats de franchise à tel point que certains auteurs y voient un élément inhérent de la franchise.

Par ailleurs, le franchiseur peut recourir à la cause d »exclusivité d »approvisionnement, qui s »entend aussi bien de l »approvisionnement en produit de la marque objet de la franchise que de produit validé par le franchiseur. Il est même possible, dans des cas restreints, d »insérer une clause d »exclusivité territoriale, sans risquer la nullité. Ainsi en a jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 2006.

II – L »appréciation de la notion de savoir-faire

Le juge se fonde fréquemment sur l »article 1131 du code civil relatif à l »absence de cause. Le savoir-faire répond à cette logique et le juge le considère comme cause du contrat de franchise (A), comme en l’espèce, du fait de ses caractéristiques et de sa substance (B).

A – Le savoir-faire comme cause du contrat de franchise

L »article 1131 du code civil dispose que « l »obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». En application de l »article, le juge sanctionne par la nullité les contrats de franchise dont la cause serait constituée par un savoir-faire dépourvu de toute originalité et qui ne se distinguerait pas des règles de l »art que le franchisé peut apprendre par ses propres moyens.

La règle ainsi rappelée dans l »arrêt appelle une remarque. L »absence d »originalité du savoir-faire pourrait être un début de fondement à une action en nullité à la condition cumulative qu »il ne se distingue pas des techniques traditionnelles. La formulation semble redondante, mais a l’avantage de limiter le recours à l’argument et limite très fortement la nécessité de recherche un savoir-faire original.

De plus, le fait que le franchisé puisse acquérir par ses propres moyens ces techniques s »entend au sens pécuniaire : l »arrêt constate que cet apprentissage aurait été « long et coûteux ». A l »inverse, le franchisé ici bénéficiait d »une formation dont il ne supportait pas les charges, ou des charges réduites, ce qui suffisait à faire la différence.

Là est tout l »intérêt de l »arrêt. Il faut prendre en compte, dans l »évaluation qualitative du savoir-faire transmis, l »inexpérience du franchisé. Ainsi, une personne qui aurait préalablement été formée aux techniques transmises par le contrat de franchise litigieux aurait eu davantage intérêt à agir.

B – Caractéristiques et substance du savoir-faire

Le savoir-faire dans le cadre de la franchise répond à plusieurs caractéristiques rappelées dans cet arrêt. Il s »agit d »un ensemble identifié d »informations non brevetées, résultant de l »expérience du franchiseur, à l’exclusion de celle du franchisé donc. Le juge ajoute que ces informations auront dû être préalablement testées par le franchiseur. Il faut voir dans cette caractéristique la logique du contrat de franchise exposée au début : la diffusion d »un succès commercial par le contrat. Ce succès résulte des tests menés par le franchiseur et que l’on peut considérer comme une certaine valeur ajoutée.

Enfin, le savoir-faire doit être secret et substantiel, mais pas nécessairement nouveau. Il semble qu »il faille voir dans la condition de secret une cause de nullité là aussi. Un ensemble d »informations qui aurait été communiqué au public au préalable ne pourrait plus faire l »objet d »un contrat de franchise : le franchisé se retrouverait dans une situation absurde où il verserait des droits d’exploitation pour des informations gratuitement accessibles. La substantialité s »entend comme l »avantage économique du contrat de franchise et l »originalité, citée précédemment, est compensée par l »absence d »exigence de nouveauté.

L »appréciation du savoir-faire doit donc se faire au regard, entre autres choses, de l »ignorance du franchisé, ce que le juge considère ici, par une formulation originale, comme des « tâtonnements longs et coûteux ». Le juge est même un peu plus précis en recherchant les éventuelles connaissances ou expériences du franchisé.

Cette appréciation se fait aussi au travers du caractère substantiel du savoir-faire, que le juge définit comme l »ensemble de ces éléments et l »avantage économique. Le caractère est donc à analyser par rapport à un ensemble d »informations pris dans sa globalité. Un seul des éléments constitutifs du savoir-faire et du contrat de franchise ne saurait alors suffire à rechercher sa nullité.